Feu D’artifice

I.

Je veux qu’on m’attache à une maison,
Et qu’on arrête de me mentir :
Je suis un cheval, un cheval fragile.

Un arbre magique dans une voiture,
Un bouquet de fleurs sur un t-shirt,
Une constellation en fond d’écran ?

Je veux qu’on m’accroche à un menhir,
Et qu’on m’empêche d’être sans raison,
Je suis un singe, un singe sérieux.

J’ai besoin d’un verre d’eau,
Je devrais aller dormir,
Je vais aller me coucher dans mon corps.

II.

Je veux qu’on m’amarre à la Vierge Noire,
Et qu’on se relise les vieux poèmes;
Je suis un lion, un lion meurt.

Et j’ai la terre comme un fardeau,
J’y ai été pleuré hors des fleurs d’eaux :
Il était quinze heures un vendredi.

Je veux qu’on m’arrime au Saint-Esprit,
Et qu’on regarde vers le zéphyr,
Je suis un scorpion, un scorpion vit.

Et j’ai la mer comme un oiseau,
J’y ai été bercé dans des châteaux :
Il était quarante-deux heures et demi.

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FOUCAULT I

Extrait retravaillé et versifié de Préface à la transgression de Michel Foucault

« Paru en 1963 dans la revue Critique, une année après la mort de Georges Bataille, ce texte d’hommage du jeune Michel Foucault inaugure la postérité de Georges Bataille en tant que philosophe. »

I.

L’oeil révulsé découvre le lien du langage à la mort
Au moment où il figure
Le jeu de la limite et de l’être.

II.

C’est que l’oeil refermé sur sa nuit
Dessine le cercle d’une limite
Que seule franchit l’irruption du regard.

III.

Petit globe de nuit
D’où une étrange lumière jaillit
Et y adressant fatalement
Tout ce qu’elle éclaire.

SMS IV

I.

Mercredi midi

Je suis curieux de savoir devant quel regard la porte du métro s’arrêtera,
J’ai au moins dix chances pour des yeux d’enfants ou des poses amoureuses.

II.

Vendredi soir

Le cheval du bus traverse Ixelles chargé d’espaces intérieurs festifs,
Ils se dissimulent sous des vestes de langues étrangères.

III.

Dimanche nuit

Des allumettes, du tabac et des pelures de mandarine sur la table de marbre noire,
En disposition aléatoire Joan Miró, en configuration géométrique Alexander Calder.

Pierre Blanche

Je ne suis bon qu’à voir et qu’à faire le charme du lendemain de lenteur –
Je, la fumée brune qui m’accompagne dans l’élégante fatigue diurne,
Je franchis des seuils, je choisis le soleil,
Je contemple deux sphinx blancs qui m’appellent.
J’appelle Jade, j’appelle ma sœur.

Je l’eau du robinet, je la fille d’hier

Je n’ai que le souci de me recroiser de temps à autres dans mes pensées.
Je pourrais aller à l’église, je pourrais rentrer,
Je pourrais briser les valises de l’éternité…
Je remercie l’acuité mentale, je cultive les plaisirs organiques,
Je, l’amour éclectique de la folie ferrophile.

rétroluminescence

Cette nuit,
Tu n’as pas voulu faire pleuvoir sur moi les paillettes du sommeil.
Cette nuit,
Je suis de nouveau un homme parmi la conscience moderne.
Cette nuit,
J’ai regardé un documentaire sur la vie – Visconti.
Cette nuit,
J’ai écouté les grésillants hymnes rythmiques – Actress.
Cette nuit,
J’ai apprécié humainement les joies de l’écran comme un dilettante.
Cette nuit,
J’ai dépassé tous mes ancêtres possibles par la rétrospective d’ensemble,
Symmétrie.

FOUCAULT II

Extrait retravaillé et versifié de l’introduction de l’Archéologie du savoir de Michel Foucault.

I.

Le poème a changé sa position à l’égard du poème : il se donne pour tâche première, non point de l’interpréter, non point de déterminer s’il dit vrai et quelle est sa valeur expressive, mais de la travailler de l’intérieur et de l’élaborer : il l’organise, le découpe, le distribue, l’ordonne, le répartit en niveaux, établit des séries, distingue ce qui est pertinent de ce qui ne l’est pas, repère des éléments, définit des unités, décrit des relations.

II.

Pour x dans sa forme classique, le discontinu était à la fois le donné et l’impensable : ce qui s’offrait sous l’espèce des évènements dispersés – décisions, accidents, initiatives, découvertes ; et ce qui devait être, par l’analyse, contourné, réduit, effacé pour qu’apparaisse la continuité des évènements.

Si x pouvait demeurer le lieu des continuités ininterrompues, si il nouait sans cesse des enchaînements que nulle analyse ne saurait défaire sans abstraction, si x tramait, tout autour de ce que les hommes disent et font, d’obscures synthèses qui anticipent sur eux, les préparent, et les conduisent indéfiniment vers leur avenir, – il serait pour la souveraineté de la conscience un abri privilégié.

Ce qu’x entreprend de découvrir, ce sont les limites d’un processus, le point d’inflexion d’une courbe, l’inversion d’un mouvement régulateur, les bornes d’une oscillation, le seuil d’un fonctionnement, l’instant de dérèglement d’une causalité circulaire.

III.

Mais il ne faut pas s’y tromper,
ce qu’on pleure si fort,
ce n’est pas la disparition,
ce qu’on pleure,
c’est la possibilité de ranimer.